WATERLÖO DIVIN.
Joseph Chazelas (1847/1917) – Lettres & cahier d’internement à l’Asile Civil d’Aliénés de Bron.
Tout commence à Strasbourg en 2023, au petit matin d’une journée ensoleillée, sur un quai ouvert aux libraires, aux chineurs d’extraordinaire, aux rêveurs de belles choses. Telle une bouteille, jetée à la mer au début du XXe siècle, échouée dans ce tas de paperasses éparses et documents anciens, un lot de papiers enluminés de dessins au crayon et rehaussés de couleurs, refait surface après un siècle d’errance et d’oubli, il émerge du temps, main tendue vers l’espoir d’une reconnaissance et d’une rédemption. Waterlöo Divin, c’est le cri d’un homme incompris, qui résonne à chaque page que l’on tourne. Cet homme se nomme Joseph Chazelas (105). On comprend vite en lisant les premiers feuillets du dossier d’inventaire, que cet homme dresse les griefs d’une vie passée dans l’enfermement d’un asile.
Interné en 1908 à l’Asile Civil d’Aliénés de Bron (Lyon), Joseph Chazelas écrit à profusion. Il remplit des centaines de pages, de notes, feuillets ou billets de « vues solaires ».

Il dit interroger le soleil et décrypter dans ses rayons, des observations et informations de première importance, qui lui permettent de savoir des choses sur des évènements et des personnages de cette époque dense. On lit son intérêt pour les faits divers des journaux d’époque où les espions sont légion. On y retrouve toutes les croyances d’une Troisième République Française en construction, née sur les cendres du Second Empire, qui se prépare à la grande revanche. Joseph Chazelas souhaite jouer son rôle d’informateur de l’État français et du Grand État-major Général à Paris. Il règle aussi ses comptes avec la hiérarchie médicale et judiciaire, et accuse ses persécuteurs de lui devoir, en dédommagement de cette erreur de mise en internement, la somme de 39 126, 30 francs…
« Depuis plus d’un an le sieur (…) est venu à la Sûreté dans nos bureaux. Il nous écrit fréquemment des lettres conçues en termes extravagants, d’une incohérence complète. Les lettres qu’il nous a envoyées forment un volumineux dossier. Depuis son arrivée, il tient des propos incohérents, il parle de l’Attique, du Grand Maître de la franc-Maçonnerie… Interrogé, il répond en termes incohérents, donne une explication des plus fantaisistes, des plus extravagantes des signes écrits sur les nombreux imprimés de télégrammes qu’il nous a envoyés. La main surmontée d’un clou veut dire : crime, attentat… avec une tache de sang : « Christ » et que la victime ne sera pas tuée, etc… Il se croit persécuté par des personnes habitant Genève et s’écrie : « C’est là qu’est le danger ». Procès verbal de la Sûreté (extrait) – Archives du Rhône /ARCHIVES (Département d’Information Médicale) du CHU Le Vinatier.
On découvre dans ce fonds, les lettres et courriers restés sans réponse, qu’il adresse en complément de ces feuillets au Docteur Jean Lépine, grand administrateur de l’Asile Civil d’Aliénés de Bron en 1911. Inspiré par le Soleil et le Christ incarné, il dresse dans ses pages le testament d’une vie et d’une époque courant à sa perte.
« Il présente enfin un dernier délire avec illusions caractérisées par les faits suivants : en 1882, étant enfermé au Vernet près de Genève, et cherchant la vérité, il regarda le soleil, qui est dit‑il le maître du monde, et vit dans son disque écrit la réponse qu’il cherchait. Depuis cette époque, il interroge le visuel du soleil. Il y voit, dit-il, des signes de la franc‑maçonnerie et parle souvent du Grand Orient et à l’air d’éprouver une sympathie très vive pour les franc‑maçons. Il y voit aussi des signes pour l’état‑major, et des renseignements utiles à l’armée. Il mêle la franc-maçonnerie et l’état major, l’Allemagne, la Suisse. Il peut tout voir dans le soleil, et toute vérité s’y trouve. La nuit il consulte l’étoile mystérieuse… ». Extrait du dossier médical – Archives du Rhône /ARCHIVES (Département d’Information Médicale) du CHU Le Vinatier.





Le grand cataclysme Wagnérien de 14-18 n’est pas loin, pour qui sait lire entre les lignes de cet opus magistral et théâtral…
Présentés lors de l’exposition et dans le catalogue d’exposition :
• Un courrier du patient adressé au Docteur Jean Lépine.
• Une série de feuillets, lettres et billets joints au courrier.
• Un carnet d’écolier de 52 pages illustrées de vues solaires.
• Une recherche généalogique et administrative des grands moments de vie de ce personnage haut en couleurs entre 1847 et 1917.
• Des extraits du dossier médical du patient issu de l’Asile Civil d’Aliénés de Bron.
• Une histoire de la vie en Asile fin XIX début XX avec comme exemple : LE VINATIER.





















