NIEMAND HAT GESAGT DASS ES BEQUEM WIRD. Personne n’a dit que ça serait confortable… Alain Berizzi.
Ce livre illustre-t-il une volonté d’immortaliser l’instant et la rupture dans ces moindres détails ?
Tout a réellement commencé à Paris quai de Seine en 2014… Une fraise écrasée généreuse et juteuse, attire mon regard en balade. Cette fraise graphique, comme suicidée, sur un bitume gris, m’interroge sur le moment éphémère de la chute. Sur l’instant où l’histoire bascule. La perte… L’oubli… La solitude des sentiments après le manque et la disparition. C’est le début d’une première série nommée « Fallen Objects » (Objets tombés ou déchus), prises de vue cadrées avec mon iPhone. Il n’est jamais question de quête mais bien plus d’une rencontre fortuite. Un détail qui attire mon regard, qui aiguise ma curiosité et me donne l’espace d’un instant, une matière précieuse pour un snapshot instagram. Un cahier de curiosité, animal, végétal, ou manufacturé. Une collection incongrue, proche du bureau des objets trouvés. Une cartographie des traces de passage entre vie et mort. Une décomposition lente des sentiments.
NIEMAND HAT GESAGT DASS ES BEQUEM WIRD… apparaît sur un mur à Vienne (Autriche) en 2018, ce titre me permet aujourd’hui en 2021 de relier et de compléter l’idée de ces objets déchus à des prises de vue paysagères ou humaines en forme de clins d’œil décadrés. Elles parsèment de la même manière, mes trajectoires quotidiennes ou mes déplacements. Moins scientifiques que des « scènes de crime », elles parlent pourtant du même sujet de fond.
LES DECADRAGES URBAINS PAR ZUT.
« Alain Berizzi immortalise ses déambulations urbaines dans Niemand hat gesagt dass es bequem wird…(Personne n’a dit que ce serait confortable…) un (très beau) livre de photographies, prises à l’iPhone pour un rendu graphique et mélancolique, qui le ramène irrémédiablement vers les questionnements de l’enfance.
Un rendu graphique et mélancolique, qui le ramène irrémédiablement vers les questionnements de l’enfance”. Zut Magazine
Une fraise explosée sur le bitume d’un quai de Paris comme une invitation à l’inclinaison en préambule à l’introspection. C’est de cette rencontre fortuite opérée en 2014 qu’Alain Berizzi a commencé à « regarder ailleurs », forcément en « décalage » puis en « décadrage ».
Sept ans plus tard, cet ancien élève de l’École des Arts Décoratifs de Strasbourg publie aux éditions chicmedias un recueil de photographies réalisées à l’iPhone et découlant de ses déambulations urbaines entre la capitale, Strasbourg, Prague, Vienne… C’est d’ailleurs d’un graffiti ornant la ville autrichienne que provient le titre de ce premier ouvrage intitulé Niemand hat gesagt dass es bequem wird…(Personne n’a dit que ce serait confortable…) et qui se distingue par sa reliure japonaise.
Il faut dire qu’Alain Berizzi aime les objets. Au point de les collectionner avec frénésie. Comme ces figurines qui renvoient à l’enfance, les tableaux et les beaux livres qui habitent son bureau au sein de Cup of Zi, agence strasbourgeoise spécialisée dans la stratégie de marques. « J’avais envie d’un objet qui soit agréable à regarder, qui offre un toucher particulier et qui permettre de découvrir ces images un peu comme moi je les ai rencontrées », dit-il au sujet du contenant.
Le contenu, lui, s’avère une quête ultime de traces « qui interrogent sur la valeur de la vie » au travers de la perte et de la disparition. Qu’il s’agisse d’objets égarés, allant du caleçon au super héros démembré en plastique, de fleurs fanées ou encore d’oiseaux en phase de décomposition, Alain Berizzi questionne l’éphémérité dans un rendu impeccablement graphique. Ses clichés, mis bout à bout, tendent à raconter « une histoire presque mélancolique. » De quoi faire resurgir sa créativité cachée dans les méandres de l’enfance. « Tout cela alimente ma projection créative actuellement », avoue-t-il. Justement, avec Niemand hat gesagt dass es bequem wird…, celle-ci se situe au beau fixe. (Par Fabrice Voné) »